Mythologie(s) n°49

Gilgamesh, mortel intemporel

Œuvre composite, transmise oralement puis rédigée sous de nombreuses versions, initialement en sumérien, entre le IIIe et le IIe millénaire av. J.-C., l’Épopée de Gilgamesh est le plus ancien récit de l’histoire de l’humanité. On le connaît notamment grâce à la « version standard » de la bibliothèque de Ninive du roi assyrien Assurbanipal (668-627). Les douze tablettes de plus 3400 vers, aujourd’hui conservées au British Museum à Londres, relatent l’histoire, dans la Mésopotamie antique, du roi de la cité d’Uruk.

Ce jeune homme impétueux, réputé souverain tyrannique, impose une domination totale sur son peuple pour satisfaire ses plaisirs. À lui seul, il incarne ce pouvoir absolu, cette hybris propre aux autocrates qui ne parviennent pas à s’imposer de limites. Affrontant le géant de la Forêt des Cèdres, repoussant la passion dévorante de la déesse Ishtar, inquiet des avertissements divins au creux des songes, soumis aux aléas de l’amour et l’amitié, le héros lutte contre lui-même. Euphorique des exploits accomplis avec son ami Enkidu, il lâche cependant prise à la mort de son compagnon et, saisi par le doute, part en quête du secret de l’éternité. Accéder à la sagesse en acceptant son statut de mortel, tel sera l’enjeu de son voyage en solitaire à la rencontre d’Uta-Napishtim, unique survivant du Déluge avec son épouse. Premier superhéros de l’histoire, naviguant des tablettes cunéiformes aux tablettes électroniques, passant de l’écrit et à l’écran, plus que fier sur les bas-reliefs et dans les bandes dessinées, Gilgamesh a traversé l’espace-temps. Par la grâce divine d’un scribe prêtre, son récit cinq fois millénaire, qui nous rappelle les exploits héroïques d’Héraclès, le jeune roi nous interroge sur notre propre condition humaine. Lui qui se voulait immortel est devenu intemporel.